Interview – Jean-Claude Lafond «L’expatriation a été un tremplin pour ma carrière»

L’expatriation comme tremplin de carrière : le parcours de Jean-Claude Lafond, ancien affilié MSH

Des chantiers nucléaires de la région Rhône-Alpes à ceux de la province du Guangdong qui bordent la Rivière des Perles en Chine, Jean-Claude Lafond a fait rimer expatriations avec ascension professionnelle. Retraité mais pas inactif pour autant, cet ancien ingénieur d’entreprise au sein d’une grande société française du secteur de l’énergie travaille toujours et applique l’expertise particulière qu’il a développée et qui est encore recherchée aujourd’hui. Il nous raconte l’enrichissement culturel et professionnel que lui ont apporté ses séjours à l’étranger, ainsi que les défis rencontrés. Ancien affilié chez MSH, il a vécu les différences fondamentales entre les systèmes de santé français et chinois. Retour d’expérience.

Un contexte international favorable à l’accélération de carrière grâce à ses offres d’emploi à l’étranger

Bien avant d’envisager le grand départ pour l’Asie, c’est d’abord en tant que câbleur dans une petite entreprise lyonnaise que Jean-Claude Lafond débute sa carrière. En 1982, il intègre une entreprise leader du secteur de l’énergie nucléaire comme technicien électricien pour la mise en service, sur les chantiers en construction, des unités de production électrique. Il y devient ensuite ingénieur d’entreprise. En fin de carrière, il atteindra le poste d’adjoint au chef de section électrique chinois de l’équipe de construction sur site, grâce à son parcours et sa carrière internationale.

Dans un contexte de construction de centrales nucléaires, son employeur conclut alors des partenariats avec la Chine. Des volontaires sont recherchés pour s’y expatrier en famille et participer à la construction de deux tranches nucléaires du chantier de Daya Bay. Nous sommes en 1989, l’année des événements de la place Tian’anmen à Pékin. Jean-Claude répond à l’appel et décroche un contrat d’expatriation, il s’expatrie avec son épouse. Un halo de mystère enveloppe sa ville de destination, car à une époque où Internet et les réseaux sociaux n’ont pas encore la place qu’ils occupent aujourd’hui dans notre vie quotidienne, découvrir la Chine… signifie s’y rendre. Shenzhen, la ville la plus proche située à 45 kilomètres à l’ouest de Daya Bay, ne compte alors que 1,8 million habitants, contre les 20 millions actuels, accueillis dans les trente années qui ont suivi !

Jean-Claude Lafond se souvient : « À l’époque de Daya Bay, on ne recevait le courrier qu’une fois par semaine. Nous étions coupés de notre famille. En 1989, une minute pour téléphoner en France coûtait environ 30 francs français. On pouvait ainsi se retrouver, pour des familles ayant plusieurs enfants, avec des factures mensuelles pouvant atteindre 5 000 francs [environ 750 euros] !»

De retour en France, fort de son expérience dans la construction de tranches nucléaires, Jean-Claude ne cessera d’être rappelé en moyenne tous les cinq ans pour repartir en Chine. Sur quarante-quatre ans de carrière, Jean-Claude en passe environ dix-huit en Chine. Il alterne les missions entre la France et les chantiers de construction chinois de tranches nucléaires de Daya Bay de 1989 à 1994, de Ling Ao entre 1999 et 2001, et de Taishan entre 2008 et 2010 et à partir de 2013 jusqu’à 2018. Catalysant les opportunités, il développe alors une double expertise, qui fera la différence dans sa trajectoire professionnelle.

« J’ai connu le boum des constructions en Chine. C’est grâce à ces expériences cumulées que j’ai pu gravir les échelons. Ma progression dans l’entreprise aurait été beaucoup plus lente si j’étais resté en France, car le contexte y était très différent à ce moment-là. »

Retraité depuis 2020, il n’en reste pas moins actif : grâce à ses connaissances acquises au long de son parcours d’expatrié, son expertise lui permet actuellement d’accompagner des jeunes ingénieurs d’une petite entreprise d’ingénierie à monter en compétences dans les domaines « études » et « construction » de sites nucléaires.

La richesse de l’environnement multiculturel du travail d’un expatrié

Au-delà de son expertise en construction de tranches nucléaires acquise dès sa première mission à Daya Bay, Jean-Claude Lafond développe très tôt sa capacité à s’adapter et à travailler au sein d’équipes multiculturelles.

« Notre matériel venait du Japon, d’Angleterre, de France et de Suisse. Pour certains chantiers, les Américains assuraient le service qualité du chantier. J’ai eu la chance de travailler avec des Japonais, des Chinois de Chine, des Chinois de Hong Kong, des Sud-Africains, des Suisses, des Allemands, des Français et des Philippins. Nous parlions anglais et notre oreille s’habituait à la variété de nos accents respectifs. Entre collègues français, nos phrases mélangeaient aisément des mots de chinois, d’anglais et de français. »

Jean-Claude a su accueillir les différences de cultures professionnelles pour mener les projets franco-chinois à leur terme, dans le respect des méthodes locales. Un savoir-être qui lui vaudra d’être toujours rappelé par les équipes partenaires chinoises et d’évoluer professionnellement. « Nous ne reproduisons pas la France à l’étranger, ce n’est pas notre rôle. Il fallait comprendre nos collègues chinois, les assister. Et savoir par exemple interpréter les oui qui peuvent aussi bien dire oui que peut-être ou non... ». Le maître-mot ? S’adapter.

« Je me souviens que nous avions balisé la zone d’un poste sous haute tension. Notre pancarte indiquait : Danger de mort. Or, en Chine, la mort n’est pas un danger. La hiérarchie chinoise avait fait remonter ce point à notre hiérarchie. Nous avions alors modifié les pancartes pour ne plus laisser apparaître que le mot : danger », sourit Jean-Claude Lafond.

Cette immersion dans le multiculturalisme n’a pas bénéficié qu’à Jean-Claude sur le plan personnel. Lors de sa troisième mission, l’école de sa fille accueillait quelque cinquante-cinq nationalités, favorisant ainsi son apprentissage de l’anglais et sa découverte d’autres coutumes. « Nos amis chinois nous faisaient participer à leurs fêtes locales, comme le Chinese New Year ou la Fête de la Lune. Nous essayions de les faire participer aux nôtres, comme Noël et le réveillon de la nouvelle année. Des soirées où nous nous mélangions tous ! Nous échangions nos recettes de cuisine, nous avons ainsi pu goûter au scorpion ou au serpent… et apprendre à négocier dans la vie de tous les jours aussi bien un bibelot que de la nourriture. »

Parmi les facteurs déterminants de son ascension professionnelle pendant sa période d’expatriation : la prise d’autonomie vis-à-vis de la hiérarchie française. La prise de décision pour répondre aux demandes chinoises dans les meilleurs délais, en attendant de recueillir l’aval français, a encouragé la montée en responsabilité de Jean-Claude. Lorsque ces décisions autonomes aboutissaient à des progrès significatifs, elles favorisaient la reconnaissance de l’entreprise française envers ses employés expatriés.

« En France, nous connaissons une hiérarchie parfois lourde mais nécessaire vis-à-vis du domaine de la sûreté nucléaire qui ne vous permet pas de prendre des actions directement. Vous devez attendre, parfois longtemps, l’aval de vos supérieurs pour agir. L’action finale n’est pas toujours celle qui a été initiée. Par contre, quand vous êtes à l’étranger et surtout sur un chantier, vous avez la distance et le décalage horaire. Vous êtes amené à décider et agir plus ou moins vite en prenant une partie sur vous », analyse Jean-Claude Lafond.

Si Jean-Claude a vécu une belle carrière à l’étranger et de longue durée, elle a bien failli être interrompue par une question de santé.

L’assurance santé : gardienne d’une expatriation sécurisée

Fort heureusement, son entreprise française avait prévu dans sa politique de protection sociale,  la couverture de ses effectifs en situation de mobilité internationale. Jean-Claude bénéficiait donc par son employeur d’une couverture santé internationale chez MSH. « J’ai eu la chance de partir dans le cadre d’une grande entreprise française qui avait souscrit pour nous un contrat d’assurance santé internationale. Nous avions ensuite une relation directe avec les services de MSH qui ont toujours traité rapidement et efficacement les demandes administratives et de remboursements que nous leur adressions. »

Jean-Claude se sent en confiance auprès de son partenaire santé qui l’accompagne par notamment par un réseau médical très développé sur place. Il peut géolocaliser les prestataires de services près de chez lui quand il a besoin de soins de santé. «Quand on part à l’étranger, il faut être couvert correctement, il peut très bien nous arriver quelque chose. Si on décide de partir par ses propres moyens, il faut penser à ouvrir un contrat d’assurance internationale. On ne se rend pas compte à quel point la France protège sa population. On le réalise davantage quand on vit à l’étranger », observe-t-il.

À l’époque de l’expatriation de Jean-Claude dans cette région du monde, les examens de radiologie ne sont réalisables qu’à Hong Kong. Seulement, à un coût important. Son contrat chez MSH est en complément de la CFE, la caisse des français de l’étranger. Cette caisse, dont peuvent bénéficier les expatriés français, rembourse ses adhérents sur la base des tarifs de la sécurité sociale. MSH comble l’écart entre la facture chinoise et les remboursements qu’effectue la CFE. Or, à Hong-Hong, les tarifs pratiqués sont bien au-dessus de ceux en France. À cet instant, Jean-Claude réalise combien il est vital pour une personne qui partirait seule travailler à l’étranger de se constituer un pécule avant son départ et, d’ailleurs, d’en conserver une partie sur elle, en liquide !

« En Chine, si vous arriviez à l’hôpital, il fallait débourser une somme d’argent dès l’entrée, sinon vous étiez refoulé. À Hong Kong, dans les années 1990, les hôpitaux étaient de très bonne qualité mais coutaient beaucoup plus cher qu’en France, que ce soit pour une consultation, une intervention chirurgicale ou pour un accouchement. »

Durant cette période, l’un de ses amis subit un grave accident. Là encore, son assurance est déterminante : il peut compter sur la garantie rapatriement incluse dans son contrat. Il est rapatrié en France dans la foulée et pris en charge dans son pays d’origine, auprès de ses proches. Fort de son long parcours à l’étranger, Jean-Claude Lafond réalise encore aujourd’hui l’importance de l’accompagnement qu’a joué MSH dans sa vie d’expatrié et celle de sa famille restée en France. « Je suis parti seul pour ma dernière mission en Chine, en statut de célibataire géographique, entre 2013 et 2018. Ma femme venait régulièrement me voir mais était restée en France avec ma fille qui y faisait ses études. Dans cette configuration ( où mon épouse ne travaillait pas), notre assureur les couvrait également même si elles résidaient en France.» Cela lui a permis  de se concentrer sur son poste à responsabilités sans s’inquiéter de leur prise en charge en cas d’incident.

Aujourd’hui Jean-Claude est sûr d’une chose : « L’expatriation a constitué une expérience d’une richesse incomparable à tous les niveaux : professionnel, humain, et familial ». À condition, toutefois, de partir bien assuré !